La fantasy à travers le monde
Bien que largement dominée par les productions anglophones, la littérature fantasy a aussi une large place dans d’autres pays européens, et a su essaimer à travers bien des continents.
Une littérature purement anglophone ?
Née en Angleterre, développée en parallèle des deux côtés de l’Atlantique, et devenue un phénomène populaire aux Etats-Unis, la fantasy est indéniablement un genre anglophone. Encore aujourd’hui, le marché de la traduction est massivement déséquilibré, et le succès contemporain de la fantasy témoigne d’une mondialisation des imaginaires dominée par la superpuissance culturelle américaine.
Reste que depuis les années 1970, qui ont vu les traductions de Tolkien se généraliser et les jeux de rôle conquérir le public adolescent, des fantasies natives se sont pleinement développées dans les différentes langues européennes.
La fantasy à travers l’Europe
La fantasy allemande, qui bénéficie d’un arrière-plan culturel favorable via le romantisme et les travaux des frères Grimm, en donne un bon exemple. Après Michael Ende et le succès de son Histoire sans fin (1979), le filon ne se tarit plus et voit apparaître d’autres auteurs à succès. C’est le cas pour Wolfgang Hohlbein, très populaire outre-Rhin (Märchenmond en 1982 ; Chroniques des immortels à partir de 1999), Cornelia Funke, fameuse autrice pour la jeunesse (la trilogie du Monde d’Encre à partir de 2003), Kai Meyer, qui a notamment retravaillé les légendes germaniques (Loreley, 1998 et Nibelungengold, 2001) ou encore Walter Moers, créateur du continent de la Zamonie et de son Capitaine ours bleu, héros d’une série animée pour enfants (à partir de 1993), de deux romans et d'un film en 1999.
Bien souvent la reconnaissance internationale d’une aire linguistique se limite à un auteur-phare. Ainsi Andrzej Sapkowski et son Sorceleur (à partir de 1986, adapté en jeu vidéo à partir de 2007 et en série TV à partir de 2019 sous le titre The Witcher ), font figure d’exemple en Pologne, ou encore Javier Negrete et son cycle de Tramorée (à partir de 2003) en Espagne. Mais cela ne signifie pas que la production locale s’y limite, loin de là, comme le prouve par exemple la vitalité de la fantasy française.
Un genre qui a traversé les continents
Il est tentant de rapprocher le merveilleux de la littérature fantasy et d’autres imaginaires surnaturels spécifiques à des aires culturelles tels que le panthéon hindouiste, les histoires de fantômes chinois, les Kami et Yôkai des animismes japonais, ou encore les sorcelleries africaines et caribéennes.
Le continent sud-américain est par exemple riche d’une tradition qu’on rattache volontiers au fantastique, à l’image des nouvelles des argentins Jose Luis Borges ou Adolfo Bioy Casares dès les années 1940, ou au réalisme magique du cubain Alejo Carpentier (Le siècle des lumières, 1962), du colombien Gabriel Garcia Márquez (Cent ans de solitude, 1967) ou encore du mexicain Carlos Fuentes (Terra nostra, 1975).
Du côté du continent africain, La Route de la faim (1991) du nigérian Ben Okri se rattache également à ce courant plus « légitime », aux frontières de la littérature générale, mais une nouvelle génération africaine, dominée par des autrices anglophones (Nnedi Okorakor, Nisi Shaw, Lauren Beukes…), s’approprie pleinement le genre de la fantasy.
Avant une date récente, il semble plus respectueux pour ces formes issues de cultures différenciées de ne pas les assimiler à un genre moderne et anglo-saxon. Or, le numérique et la mondialisation économique ayant largement aboli les frontières, on assiste aujourd’hui à des rencontres explicites des imaginaires, comme dans les mangas japonais Full Metal Alchemist (Arakawa Hiromu, 2001-2010), L’atelier des sorciers (Shirahama Kamome, depuis 2018), ou dans le film sino-américain La grande muraille (Zhang Yimou, 2016).