Terry Pratchett, roi de la fantasy parodique
Auteur à succès, Terry Pratchett est à l’origine de la série du Disque-Monde. Immense et bariolée, son œuvre, essentiellement axée autour de la parodie de fantasy, est devenue un modèle du genre.
Un véritable classique
Né en 1948 et disparu en 2015, Terry Pratchett est surtout connu pour avoir créé l’univers de fantasy parodique du Disque-Monde. Apparue en 1983, cette étrange planète plate soutenue par une tortue semble de prime abord s’inscrire dans la continuité de grands auteurs comme Lewis Carroll, qui lie dans Les Aventures d’Alice au pays des merveilles (1865) le conte et l’absurde pour mieux se moquer des travers de ses contemporains. Cette filiation est d’autant plus évidente que les quarante et un romans dont l’action se situe dans le Disque-Monde font de nombreuses références à l’actualité, à l’informatique, ou même au football, comme dans le livre Allez les mages !, publié en 2009.
Un monde ancré dans son époque
Mais on ne peut pas pour autant ignorer l'ancrage de la série du Disque-Monde dans la fantasy contemporaine. Ce cycle commence en 1983, alors que le genre est devenu un élément majeur de la culture pop et geek anglo-saxonne depuis les années 1960 ; il sera à la fois adapté en romans, en comics, au cinéma, et enfin en jeux de rôle puis en jeux vidéo.
Le Disque-Monde fourmille ainsi, dès son premier tome (La Huitième Couleur, 1983), de parodie d’archétypes de fantasy. Le personnage de Cohen le barbare représente une version âgée et blasée de Conan, le héros de Robert E. Howard, créé en 1932. Cet humour référentiel montre que la fantasy, au moment où le concepteur du Disque-Monde commence à écrire ses romans, est devenue une sous-culture à part entière, avec ses codes et ses stéréotypes que seuls les fans du genre sont à même de comprendre. En ce sens, les ouvrages de Pratchett participent à créer une véritable identité du fandom de fantasy.
La parodie à l’échelle du cycle
Terry Pratchett n’est certes pas le premier à publier un pastiche humoristique à partir d'un roman de fantasy. Dès 1969, Henry N. Beard et Douglas C. Kenney publient ainsi Lord of the Ringards (Bored of the Rings en anglais), roman caricaturant Le Seigneur des Anneaux (1954-1955) de J.R.R. Tolkien. En France, en 1981, Pierre Pelot écrit de son côté la nouvelle Konnar le Barbant, dont le titre forme une contrepèterie du nom du personnage de Howard.
Mais Terry Pratchett est le premier à créer un univers complet construit comme une gigantesque parodie de la littérature merveilleuse contemporaine. Le Disque-Monde incarne ainsi, tout au long des années 1980 et 1990, un genre devenu suffisamment dense et complexe pour qu’il lui soit désormais possible de générer sa propre autodérision. D’autres mondes de fantasy comiques suivront, notamment Le Donjon de Naheulbeuk (2001) de John Lang, fortement inspiré par les jeux de rôle.
L’immense succès des récits de Pratchett (plusieurs dizaines de millions d’exemplaires vendus) participe aussi à la réinvention du genre. Presque trois décennies après la publication du Seigneur des Anneaux, il offre une vision renouvelée de la fantasy marquée au sceau du modernisme. L’auteur ne tente plus, comme ses aînés, de recréer une mythologie, mais de la regarder avec un sens critique plein d’humour. Son roman Le Père Porcher (1996) reprend ainsi à son compte les théories de James George Frazer dans Le Rameau d’or (1890) qui veut que les mythes ne soient que l’expression de rituels religieux anciens.