Des peuples pour des mondes magiques
Après la construction historique et géographique des mondes de fantasy, les régions se peuplent. Nains, humains, elfes ou trolls cohabitent parfois dans ces univers, coopérant ou se combattant.
Les elfes sont sans nul doute les personnages les plus emblématiques de la fantasy. Alors que le folklore en avait fait des représentants, sympathiques ou inquiétants, du petit peuple, l’œuvre de Tolkien (Le Hobbit, 1937, Le Seigneur des Anneaux, 1954-55) a réhabilité les origines mythologiques des elfes. Chez lui et dans la fantasy qu’il inspire, ce sont de belles créatures nobles, liées à la spiritualité et à la nature ; ceux de Glorantha, monde de jeux créé par Greg Stafford à partir de 1966, sont d’ailleurs végétaux. Nommés Sithis dans L’Arcane des épées (Tad Williams, à partir de 1988), ou Lios alfar dans La Tapisserie de Fionavar (Guy Gavriel Kay, à partir de 1984), ils correspondent chaque fois à un peuple ancien, qui peu à peu s’éteint avec la magie et les chants dont ils sont les gardiens – ce motif est encore présent par exemple dans L’Héritage de Christopher Paolini (à partir de 2003). La version "elfe noir" a tôt été développée pour animer les parties de jeux de rôle.
Elfes et nains, deux univers opposés
Les elfes sont souvent opposés et associés à l’autre peuple primordial, les nains, comme Legolas et Gimli dans l’œuvre de Tolkien, ou encore Tanis Demi-Elfe et Flint Forgefeu dans la série Lancedragon (Weis et Hickman, à partir de 1984). Autant les premiers sont associés aux forêts, autant les seconds sont des émanations des montagnes et cavernes, liés aux minéraux et à la forge. Même leurs caractéristiques les feront solides mais râpeux, parfois rustres, souvent bons vivants.
Une grande diversité de peuples
A côté de ces incontournables de la fantasy "épique", de nombreuses figures sont récurrentes : les géants, associés à l’origine du monde, et dont il ne reste que de rares spécimens qui vivent à l’écart des hommes (chez George Martin ou J.K. Rowling) ; les homme-arbres, à la façon des Ents de Tolkien, gardiens de la magie ancienne, opposés à la technologie, comme les esprits sylvestres dans Princesse Mononoké (Hayao Miyazaki, 1997) ; des change-formes, comme le Beorn du Hobbit ou les wargs du Trône de fer, qui possèdent des pouvoirs totémiques.
Certains univers, notamment en fantasy pour la jeunesse, multiplient les peuples mais aussi les créatures animales, sans qu’il y ait vraiment de distinction franche entre les deux – les centaures sont aussi sages que sauvages chez J.K. Rowling ou C.S. Lewis, les animaux parlent dans Les Chroniques de Narnia (à partir de 1950), et les dragons peuvent être des maîtres de la parole manipulatrice (dans Le Hobbit) ou des compagnons télépathes (La ballade de Pern d’Anne McCaffrey, à partir de 1967). Le message porté par la fantasy promeut très majoritairement la tolérance et les bienfaits de la diversité.
Les sociétés humaines
Les hommes – dont les magiciens, qui peuvent être un peuple à part (Tolkien) ou une catégorie de population dotée de pouvoir (Rowling) – sont néanmoins très représentés en fantasy, à bonne fin d’identification. Les héros et héroïnes en particulier, souvent jeunes, vont découvrir en même temps que les lecteurs la richesse du monde qui les entoure. Des types de personnages se mettent en place, notamment pour les besoins de jeux : paladin, mage, aventurier, voleur…
Les différentes régions se verront également associées à des peuples, qui reprennent et agglomèrent des traits historiques ou des imaginaires géographiques : ainsi des cavaliers des plaines du Rohan chez Tolkien, et dans le Trône de Fer, des hommes du Nord farouches et loyaux ou un peuple de Dorne, tout au Sud, façonné par le désert. G.R.R. Martin pousse la catégorisation jusqu’au niveau des "maisons", chacune dotée de son blason et de sa devise.
Des monstres récurrents
Si les ennemis peuvent se recruter chez les humains, la fantasy a usé et abusé de races ennemies, comme les trolls, gobelins ou orques. Longtemps, leur statut problématique et leur nature mauvaise ont justifié qu’on les massacre. Mais un recul critique s’est vite fait jour : dans Rêve de Fer, dès 1972, Norman Spinrad expose crûment le fascisme de telles constructions en imaginant un Hitler alternatif devenu auteur de fantasy.
Aujourd'hui, la prise de conscience des impensés post-coloniaux impose des nuances systématiques. William Blanc a ainsi montré combien les représentations des orques et leur évolution correspondaient à celles des minorités racisées, figures de l’altérité un temps conçues comme monstrueuses et menaçantes. La trilogie Orcs du britannique Stan Nicholls (1999-2000) a marqué un tournant en racontant sans angélisme l’histoire du point de vue des "méchants".