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George R.R. Martin, le côté obscur de la fantasy

Par Florian Besson

Auteur du Trône de fer, l’une des plus fameuses séries de fantasy, George R.R. Martin a su construire une œuvre devenue culte. Sombre et sanglante, elle repose sur des procédés qui font évoluer les codes du genre.

Corps
1996
Année de parution du premier tome du Trône de fer, dont le récit n'est toujours pas fini aujourd'hui.

Une réussite loin d’être achevée

Le Trône de fer (en anglais A Song of Ice and Fire, George R.R. Martin, 1996), était déjà un succès éditorial majeur avant que son adaptation en série télé par HBO, sous le titre Game of Thrones, en fasse un véritable phénomène mondial. Ce succès est d'autant plus remarquable que la saga littéraire n'est pas terminée, avec cinq tomes parus sur les sept prévus, et un sixième tome attendu depuis des années.

 

Malgré cet inachèvement du cycle initial, qui a poussé la série à inventer sa propre fin, le monde inventé par G.R.R. Martin est déjà bien entré dans la dynamique d'expansion de la fantasy au XXIe, avec plusieurs prequels romanesques déjà écrits et bien d'autres prévus, notamment en format série.

 

L'histoire initiale raconte une longue guerre de succession qui déchire le royaume des Sept couronnes, sur le continent de Westeros. Les grandes familles aristocratiques, en particulier les Stark et les Lannister, se disputent le pouvoir, entre grandes batailles et intrigues politiques complexes, tandis que loin à l'est, la dernière héritière de la dynastie déchue des Targaryens s'appuie sur ses dragons pour tenter de reconquérir le trône. Tous ces conflits se font à l'ombre d'une menace plus vaste, incarnée par les Marcheurs Blancs et leur armée de cadavres réanimés, qui hantent les espaces mystérieux du Nord.

Marcheur blanc, A Song of Ice and Fire Calendar, illustration de Magali Villeneuve (2016) Penguin Random House

Déconstruire pour mieux créer

George R.R. Martin s'inspire fortement de l'histoire médiévale, en particulier de la Guerre des Deux Roses, de 1455 à 1485. Derrière les Stark et les Lannister, on reconnaît aisément les York et les Lancastre, mais aussi des Rois Maudits de la série romanesque historique de Maurice Druon (1955-1977). 

Choosing The Red and White Roses in the Temple Garden, peinture d'Henry Arthur Payne (1909-1910) Photo de Birmingham Museums Trust, license CC0

L’auteur sait également brasser des références empruntées à l'histoire antique et moderne, mélangeant les temporalités et les univers avec talent. Si on reconnaît un certain nombre de sous-intrigues issues des structures tout à fait caractéristiques de la fantasy, voire même plus profondément de la littérature merveilleuse – à l’image du « jeune garçon en réalité fils de roi » – l'auteur parvient souvent à renouveler le genre, notamment en s'attachant à déconstruire systématiquement le cliché des héros.

 

Les personnages principaux sont ici des eunuques, des bâtards, des nains, des mutilés, etc. À la différence de la fantasy traditionnelle, souvent très manichéenne, George Martin s'emploie dès les premières pages à dépeindre des personnages moralement ambigus, évoluant fortement au fil des tomes, sans que l'on puisse identifier de véritables héros ou contre-héros. De ce fait, les personnages principaux ne sont pas plus à l'abri que les autres : la fréquence avec laquelle l'auteur tue des personnages majeurs, et, plus globalement, le haut degré de violence de l'histoire sont à la fois les caractéristiques les plus frappantes de la saga et l'une des raisons de son succès.

Le Trône de fer, L'intégrale 1, 2 et 3, de Georges R.R Martin (2019) Éditions J’ai lu, 2019