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Les livres dont vous êtes le héros, et le lecteur devient acteur

Par William Blanc

La littérature jeunesse a développé dans les années 1980 un nouveau concept de livres interactifs : les “livres dont vous êtes le héros”. Inspirés des jeux de rôle et imprégnés de fantasy, ils permettent au lecteur de devenir acteur.

Corps
1982
Édition des premiers exemplaires par Penguin Books.

Des livres pour la jeunesse

Les "livres dont vous êtes le héros" s’inscrivent dans la droite ligne du jeu de rôle. Ils proposent à des joueurs d’interagir avec des univers imaginaires. Leur format de poche, la simplicité de leurs règles (comparées par exemple à celles de Donjons et Dragons), et leur coût modique les transforment rapidement en objet de consommation de masse. Lancés au Royaume-Uni à partir de 1982 par le prestigieux éditeur Penguin Books dans ses collections jeunesse, les premiers “livres dont vous êtes le héros” contribuent ainsi à la diffusion de la fantasy auprès d’un large public. Un phénomène similaire se déroule en France où ces ouvrages sont traduits puis publiés par Gallimard Jeunesse. Le succès est immédiat. Dès 1983 les ventes de "livres dont vous êtes le héros" dépassent en Grande-Bretagne celles de Roald Dahl, alors l’un des plus célèbres auteurs pour enfant.

La Créature venue du Cahos, Un livre dont vous êtes le Héros,
de Steve Jackson, illustré par Alan Langford (2005) Gallimard Jeunesse

Des univers cohérents

La fantasy joue un rôle majeur dans la popularité des "livres dont vous êtes le héros". Une grande partie des titres de ce médium sont d’ailleurs consacrés au genre, comme le prouve le nom de la première collection (et encore aujourd’hui la plus populaire) dédiée à ce type nouveau d’ouvrages : "Fighting fantasy" (littéralement : "fantasy combattante"). Une fantasy, on le voit, mettant l’accent sur la notion de héros affrontant des adversaires dans un cadre clos, généralement un labyrinthe appelé, comme dans les jeux de rôle, un "donjon" pour lui donner un cachet médiéval. L’un des titres les plus vendus à ce jour reste ainsi Deathtrap Dungeon (littéralement : "le donjon mortel") publié en 1984 par Ian Livingstone.

 

Très vite, le succès des ouvrages induit deux phénomènes. On crée tout d’abord des suites aux opus les plus populaires pour fidéliser les joueurs : Deathtrap Dungeon est ainsi prolongé par deux autres titres. Conséquemment, ces suites amènent rapidement à créer des univers imaginaires cohérents (par exemple le monde de Titan pour Fighting fantasy, décrit dans un livre à part dès 1986) dans lesquels de futurs livres-jeux pourront se dérouler, mais aussi des productions issues d’autres médias : des jeux vidéo Fighting Fantasy apparaissent dès 1984. La création d’un univers imaginaire obéit donc ici à une logique commerciale et éditoriale.

La cité des Voleurs, Un livre dont vous êtes le Héros,
de Ian Livingstone, illustré par Vlado Krizan (2018) Gallimard Jeunesse

Un tremplin pour les illustrateurs

Comme les pulps, la littérature de jeunesse puis les jeux de rôle, les “livres dont vous êtes le héros” s’appuient sur des illustrations de couverture et d’intérieur mettant notamment en valeur le monstre, symbole à la fois du monde merveilleux dans lequel les joueurs s’apprêtent à plonger et du défi qu’ils vont devoir affronter. Le genre permettra d’ailleurs à nombre de futurs grands artistes de la fantasy de s’exprimer. La collection Fighting Fantasy contribue ainsi à lancer la carrière de Iain McCaig (illustrateur de Deathtrap Dungeon), devenu par la suite concept artist pour la franchise Star Wars, alors que John Howe réalise les couvertures françaises de la série Quête du Graal à partir de 1985.

Les Portes de l’Au-delà, de J.H. Brennan,
couverture illustrée par John Howe (1986) Éditions Gallimard
interview

Fantasy et jeux de rôle

William Blanc nous parle des jeux de rôle dans l'univers de la fantasy.