Renouveau des pratiques et croyances païennes
Ésotérisme, druidisme, chamanisme ... la fantasy aime à réinventer certaines pratiques et croyances ancestrales, au sein d'univers magiques inspirés de multiples cultures.
Des pratiques magiques et ésotériques
Certains motifs récurrents de la fantasy mêlent de façon volontairement floue différentes inspirations religieuses, comme l’usage de prophéties et la vision de la magie comme héritage ancestral. La spiritualité est généralement liée à des pratiques religieuses ou magiques, depuis les prières jusqu’aux manifestations miraculeuses, qui permettent de rendre visible le divin ou le surnaturel. L’usage de symboles, typique des croyances ésotériques, se retrouve notamment dans la fantasy policière, et contribue à créer des atmosphères de mystère. Même l’alchimie, dans sa volonté d’injecter du merveilleux dans les lois physiques qui régissent le monde, conserve un fort ancrage occulte (Harry Potter, J.K. Rowling, 1997-2007).
Des religions pour structurer le monde
Les récits décrivant l’origine des dieux (théogonie), et consacrés à la création de l’univers (cosmogonie), sont fréquents en fantasy (Les Annales du Disque-monde, Terry Pratchett, 1983-), et insistent sur l’importance de la spiritualité dans la construction des sociétés et des êtres humains. Les récits parviennent à faire coexister divers panthéons – polythéistes, monothéistes ou encore animistes – dans une harmonie plus ou moins grande (Le Trône de Fer, George R.R. Martin, 1996-). Sur le modèle de l’épopée, des divinités et des êtres surnaturels interviennent régulièrement dans l’intrigue pour guider les héros ou au contraire pour s’opposer à leurs desseins.
Une spiritualité en toile de fond
Pourtant, cette spiritualité hétérogène ne constitue que rarement le cœur des récits. En fantasy, les religions jouent avant tout un rôle de marqueur culturel et ethnique. Les pratiques occultes sont plus mises en scène que la spiritualité elle-même ou les enjeux de la foi, qui restent assez vagues. La spiritualité, parfois limitée à une interprétation manichéenne opposant le Bien et le Mal, devient un élément parmi d’autres de l’identité d’un personnage ou d’un peuple (Dark Crystal, Jim Henson et Frank Oz, 1982), mais ne limite pas les actions ni la portée du récit.
Le New Age modernise les croyances païennes
La fantasy insiste tout particulièrement sur des spiritualités liées à la nature, d’inspiration druidique ou chamanique. Plutôt que de s’arrêter sur des questions terminologiques, l’important pour les auteurs est de souligner la communion des personnages avec les esprits élémentaires, lesquels permettent de guider, voire de soigner les êtres humains. C’est ainsi que les druides et les chamanes font partie des figures privilégiées du jeu de rôle, où ils servent généralement de soigneur pour le groupe d’aventuriers. Le lien étroit tissé entre l’être humain et les animaux, essentiel dans le chamanisme, constitue une caractéristique traditionnelle de la fantasy : inspirés de divers folklores, de nombreux personnages possèdent des pouvoirs surnaturels de change-forme et de métamorphe, comme le lycanthrope – un être se transformant en loup – et le kitsune – se changeant en renard.
Cet intérêt de la fantasy pour les spiritualités alternatives, en harmonie avec la nature, s’inscrit dans le renouveau des croyances païennes dans les sociétés occidentales. Le paganisme est modernisé dans les valeurs du New Age, qui associent l’importance de la protection de la nature, la quête d’harmonie personnelle et sociale, le refus de toute violence et l’évolution des considérations de genre. Diverses formes de néo-paganisme apparaissent dans la première moitié du XXe siècle, et se développent surtout dans les années 1970, dans le contexte de contre-culture qui voit également naître une grande vague de féminisme et d’environnementalisme.
Très tôt, la fantasy s’empare de ces considérations pour proposer des récits où la nature devient un moteur pour les personnages, une aide ou un idéal à défendre. Dans ses branches d’inspiration celtique, le néo-paganisme valorise tout particulièrement la féminité (Les Brumes d’Avalon, Marion Zimmer Bradley, 1983). Des fées aux sorcières, de nombreuses œuvres, notamment des récits de formation, mettent en lumière la force et l’entraide de communautés de femmes. La fantasy propose ainsi un pouvoir spirituel typiquement féminin, associé à la terre, à l’eau et à la lune comme autant de forces créatrices et protectrices, dans la lignée des croyances wiccas.