La légende arthurienne, une histoire en mouvement
Si la légende du roi Arthur est aujourd’hui universelle, son histoire a connu bien des mutations au fil du temps. Adaptée dans presque tous les styles, elle a su aussi inspirer les auteurs de fantasy.
Une légende qui a tout pour plaire
Depuis le XIIe siècle, la Légende du roi Arthur ne cesse de faire rêver le public. Plus concrètement, l'intérêt pour cette œuvre se développe principalement en Europe occidentale (Angleterre, France et Allemagne), puis aux États-Unis, et continue de susciter une vaste production littéraire et artistique. L’utilisation de cette légende dans la fantasy suit la redécouverte du Moyen Âge au XIXe siècle, à travers le roman gothique et des auteurs comme Walter Scott. Il faut dire que ce récit contient déjà tous les ingrédients chers à la fantasy : un roi charismatique (Arthur), accompagné des chevaliers de la Table Ronde (Lancelot, Perceval, Tristan, Galaad, etc.) à la recherche d’une relique sacrée (le Graal). Le tout avec l’aide d’un enchanteur aux dons prophétiques (Merlin) et face à des ennemis quelque peu caricaturaux (Mordred, Méléagant, etc.).
Cette trame générale associe également les personnages principaux à des êtres merveilleux qui aident ou s’opposent aux héros. Morgane et la Dame du Lac ajoutent ainsi un peu de féminité dans cet univers très masculin, même si elles sont souvent considérées comme des figures négatives.
La fantasy arthurienne constitue d’ailleurs un sous-genre de la fantasy à part entière, dont on peut distinguer deux branches : l’une épique, centrée sur les chevaliers et les combat ; l’autre magique, consacrée à la sorcellerie voire au mysticisme, mettant l’accent sur Merlin, la fée Morgane et les créatures merveilleuses inspirées des bestiaires médiévaux.
Entre magie païenne et merveilleux chrétien
La magie que l’on y rencontre peut être druidique et liée à la nature ; elle revêt alors de fortes valeurs écologiques. Dans d’autres versions, c’est la magie blanche de Merlin qui s’oppose à la magie noire de la terrible Morgane, dans un affrontement traditionnel du Bien contre le Mal. Dans la fantasy, la figure de l’enchanteur, repopularisée par des succès comme le Merlin l’enchanteur de Disney (Wolfgang Reitherman, 1963), ou comme The Once and Future King (T.H. White, 1958), semble d’ailleurs plus présente encore que celle d’Arthur, soit directement, soit par des avatars plus ou moins éloignés : Gandalf de J.R.R. Tolkien (Le Seigneur des Anneaux, 1954-55) ou Dumbledore de J.K. Rowling (Harry Potter, 1997-2007).
En revanche, la fantasy a tendance à effacer le merveilleux chrétien associé à la légende, ou du moins à en détourner les enjeux surnaturels, à l’exemple du Graal, relique judéo-chrétienne, régulièrement réinterprété pour devenir une relique celte.
Les récits plus épiques proposent bien souvent une approche historique, prétendant apporter la vérité sur une légende déformée depuis longtemps, comme chez l'écrivain Bernard Cornwell (La Saga du roi Arthur, 1995-1997). Cette fantasy historique peut être l’occasion d’apporter des points de vue nouveaux, en donnant la version des faits de personnages restés jusqu’ici à l’arrière-plan. Auteurs et créateurs prennent alors pour cadre les Ve et VIe siècles, période de transition entre l’Antiquité et le Moyen Âge, sur laquelle nous ne possédons que peu de sources historiques (Le Roi Arthur, film d'Antoine Fuqua, 2004).
Une légende qui a su s’adapter
Ces deux branches peuvent s’associer à différents degrés pour permettre des réécritures inédites. La fantasy entraîne d’importantes modifications par rapport aux textes médiévaux : là où la légende du Moyen Âge présente des centaines de chevaliers, la fantasy valorise une poignée de figures centrales, auxquelles s’ajoutent des créations originales. C’est l’occasion de mettre en scène des héritiers ou des descendants des héros légendaires (L’Apprentie de Merlin, Fabien Clavel, 2010-2013).
La fantasy arthurienne met aussi en avant des valeurs nouvelles, comme la protection de l’environnement, l’anticolonialisme et le féminisme. Plusieurs œuvres de fantasy arthurienne livrent par exemple le point de vue de Morgane (Le Cycle d’Avalon, Marion Zimmer Bradley, 1983-2007) et de Guenièvre (Guenièvre, Nancy McKenzie, 1994-1995), ou réinterprètent même des personnages traditionnels en les féminisant (dans la bande dessinée Lancelot, Jean-Luc Istin et Olivier Peru, 2009-2014).
Cette capacité d’adaptation est caractéristique de la légende arthurienne. La fantasy poursuit une longue tradition de réécritures en continuant à faire vivre le récit, dont l'aspect familier et malléable lui permet d’être adapté librement. En effet, on compte aujourd’hui un nombre impressionnant de romans pour la jeunesse, de bandes dessinées, de films et d’autres créations consacrés au roi et à ses compagnons.