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Focus Œuvre

Game of Thrones, une longue lutte pour le pouvoir

Par Justine Breton

Adaptée des livres de George R. R. Martin, Game of Thrones connaît un succès record auprès des publics. Emblématique de la fantasy, la série repose sur de nombreuses références culturelles et historiques.

Corps

Une série épique

La série Game of Thrones, créée par David Benioff et D.B. Weiss, est adaptée de la saga littéraire de George R.R. Martin, Le Trône de Fer (A Song of Ice and Fire). Diffusé sur la chaîne américaine HBO entre 2011 et 2019, le programme de fantasy médiévale connaît un succès rapide dans le monde entier, réalisant des records d’audience et de téléchargements. Les 73 épisodes, répartis sur huit saisons, associent une fresque historique complexe, des combats épiques et des figures traditionnelles de la fantasy : rois, princesses, dragons et sorcières.


Game of Thrones retrace une longue lutte pour le pouvoir entre de grandes familles, tandis que pèse sur les royaumes la menace d’un ennemi extérieur détruisant tout sur son passage : les Marcheurs blancs. La série se déroule sur deux continents, Westeros à l’ouest et Essos à l’est, et s’appuie sur une géographie variée, soulignée dès le générique par l’exploration aérienne d’une carte animée. L’intrigue se construit également sur un temps long : pour comprendre tous les enjeux des affrontements mis en scène, mieux vaut connaître les grandes lignes de l’histoire des sept royaumes.

Un héritage littéraire revisité

La série s’inspire de cycles romanesques historiques, comme Les rois maudits (1955-1977) de Maurice Druon, dont elle reprend la lourde structure monarchique et familiale, nourrie d’alliances et de trahisons fréquentes. Certains personnages rappellent ceux de Shakespeare, comme le comploteur Petyr Baelish, qui n’a rien à envier à Iago, ou des figures légendaires comme le roi Arthur, dont on retrouve des traits dans le valeureux Jon Snow. Ainsi, les protagonistes de la série paraissent parfois familiers, car ils empruntent à une culture occidentale ancrée dans l’imaginaire collectif.

Philippe le Bel et sa famille, Livre de Kalila et Dimna, traduit par Raymond de Béziers (1313) Bibliothèque nationale de France

L’intrigue reprend des motifs habituels de fantasy : combats de chevaliers à l’épée, visions prophétiques, affrontement de créatures merveilleuses, princesses en exil, etc. Mais Game of Thrones renouvelle aussi les codes du genre, permettant d’importants rebondissements et une représentation souvent nuancée des personnages. Ici les chevaliers trahissent, les guerrières tiennent tête aux rois, les dragons naissent des princesses et les héros meurent. La série multiplie les personnages et se permet d’en supprimer un grand nombre – y compris de premier plan. Tous subissent de lourdes épreuves et se construisent peu à peu, faisant de Game of Thrones un tableau humain en constante évolution.

Daenerys dans Game of Thrones, série télévisée américaine crée par David Benioff et D. B. Weiss, d'après l'œuvre de G.R.R. Martin (2011 à 2019) HBO

Si la série s’inscrit pleinement dans la fantasy, elle cherche toutefois à se démarquer des grands classiques, en particulier du Seigneur des Anneaux (1954-1955) de J.R.R. Tolkien, dont elle se propose comme le contre-exemple. Alors que la Terre du milieu appartient davantage à la "high fantasy", sous-genre qui met en avant le héros dans un groupe qui lutte contre les forces du mal, Game of Thrones correspond à la "dark fantasy", se caractérisant par une ambiance violente, un monde inquiétant voire apocalyptique, et des personnages souvent plus complexes. La série porte un regard pessimiste sur la société, la politique et l’être humain, considéré comme profondément faillible et corrompu. George R.R. Martin privilégie même l’expression de "grimdark fantasy", renvoyant à un cadre médiéval brutal, censé se rapprocher de la réalité historique.

Jon Snow dans Game of Thrones, série télévisée américaine crée par David Benioff et D. B. Weiss, d'après l'œuvre de G.R.R. Martin (2011 à 2019) HBO
1485
Fin de la vraie guerre inspirant la guerre des Cinq Rois.

De multiples ancrages historiques

L’auteur des romans et les créateurs de la série mettent en avant de nombreuses inspirations historiques pour Game of Thrones. La vaillante Brienne de Torth, figure assez traditionnelle de la guerrière en fantasy, possède ainsi de nombreux points communs avec Jeanne d’Arc. La Guerre des Cinq Rois rappelle directement la Guerre des Deux-Roses en Angleterre (1455-1485), où les noms des Lancastre et des York sont ici détournés en Lannister et Stark. La société féodale qui est représentée, ainsi que certains personnages ou épisodes, rappellent le plus souvent l’Europe des XIVe-XVe siècles. Mais Game of Thrones se nourrit également d’emprunts à diverses époques et cultures : la famille Targaryen fait écho aux Pharaons égyptiens, les combattants dans les arènes aux gladiateurs de la Rome antique, les peuples nomades et guerriers d’Essos aux Mongols de Gengis Khan, etc.

Jeanne d'Arc frappe les filles de joie, Vigiles de Charles VII, écrit par Martial d'Auvergne,
enluminé par le Cercle de François Le Barbier fils et Jean Bourdichon (1484-1485) Bibliothèque nationale de France

Le monde de Game of Thrones n’est pas une image historique, mais correspond plutôt à une fantasy de boue, de sang et de larmes, qui donne l’illusion du réalisme grâce à ses emprunts historiques, littéraires et culturels.

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