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Focus Œuvre

Donjons et Dragons, quand le wargame s'inspire de la fantasy

Par William Blanc

Héritier des wargames historiques, Donjons et Dragons, le plus célèbre des jeux de rôle, s'est distingué il y a 45 ans par l’introduction d'un univers de fantasy et la possibilité pour le joueur de s'immerger dans ce monde imaginaire.

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L'héritage des wargames

Donjons et Dragons reste, encore aujourd’hui, le plus célèbre des jeux de rôle. Il est aussi le premier d’entre eux. Sa conception se fait en deux étapes. Elle doit tout d’abord beaucoup aux wargames, jeux de simulation de guerre qui connaissaient, depuis les années 1950, une certaine popularité aux États-Unis et au Royaume-Uni. Mais la plupart des productions de ce nouveau style de jeu ne traitaient que des conflits contemporains (Guerre de Sécession, Seconde Guerre mondiale) jusqu’à ce qu’en 1971, Gary Gygax décide de créer un wargame se déroulant au Moyen Âge : Chainmail. Il y inclut une variante de règle permettant la simulation de combat entre héros et monstres de fantasy, fortement inspirés par les romans de J.R.R. Tolkien. Ce choix s’explique certainement par la popularité que rencontrent l'auteur du Seigneur des Anneaux ou encore Robert Howard, père des Conan, auprès de la jeunesse américaine.

1974
Première édition de Donjons et Dragons.

L'immersion du joueur

Dave Arneson donne à Chainmail une dimension supplémentaire lorsqu’il décide de lier entre elles les parties du wargame, en les plaçant dans l’univers merveilleux fictionnel de Blackmoor avec lequel les joueurs devront interagir. Désormais, les participants peuvent évoluer dans un monde imaginaire qui ne leur est pas imposé par un auteur, mais à l’intérieur duquel ils collaborent. Très vite, Arneson et Gygax produisent un jeu complet reprenant ce concept, Donjons et Dragons, sorti en 1974, qui connaît un succès immédiat.

Chainmail, Rules for medieval miniatures, de Gary Gygax et Jeff Perren, édité par Guidon Games (1971) Photo Mrtopp/D.R. © Worthington Games
Dungeons & dragons, Rules for Fantastic Medieval Wargames, de Gary Gygax et Dave Arneson, édité par Tactical Studies Rules (1974) Wizards of the Coast LLC, a subsidiary of Hasbro, Inc. All Rights Reserved.

Une référence culturelle globale

L’influence de Donjons et Dragons est énorme. Ses éditeurs ont décliné le jeu en plusieurs versions (cinq à ce jour) et des dizaines d’univers de fantasy différents, touchant des millions de pratiquants.

Dungeons & Dragons, manuel du joueur, par Wizards RPG Team (2014) Wizards of the Coast LLC, a subsidiary of Hasbro, Inc. All Rights Reserved.

Il a inspiré très rapidement la conception d’autres jeux de rôle (RuneQuest dès 1978), médium où la fantasy reste, encore aujourd’hui, le genre dominant. La création du tandem Gygax/Arneson marque aussi l’industrie naissante des jeux vidéo avec dnd (1975) ou Akalabeth : World of Doom (1979) de Richard Garriott qui lance la série Ultima.

 

Elle inspire enfin une vaste production culturelle, des illustrations (notamment pour les couvertures des jeux), des romans (nombre d’auteurs, comme Jean-Philippe Jaworski, ont d’abord été concepteurs de jeux de rôle), des dessins animés (Donjons et Dragons, 1983), des comics, des manga, mais aussi des parodies (Le Donjon de Naheulbeuk, à partir de 2001).

 

Le jeu, à l’instar de la pratique de l’informatique, devient également associé à l’apparition d’un nouveau stéréotype social, le geek, intellectuel souvent fortement diplômé, qui fait désormais l’objet de créations fictionnelles. On aperçoit ainsi des parties de Donjons et Dragons dans des séries ou des films, depuis E.T., l'extra-terrestre (1982) jusqu'à The Big Bang Theory (2007-2019).

The Big Bang Theory, série télévisée américaine créée par Chuck Lorre et Bill Prady (2007 à 2019) CBS

Depuis les années 2000, Donjons et Dragons suscite une véritable culture de la nostalgie où l’on tente de recréer, notamment à travers le phénomène des rétro-clones pastichant le style de Gygax et d’Arneson, les premières éditions du jeu. Là encore, les mondes de la fantasy sont associés, comme chez Tolkien, à la jeunesse perdue et à la notion de l’inéluctabilité du temps qui passe.

interview

Fantasy et jeux de rôle

William Blanc nous parle des jeux de rôle dans l'univers de la fantasy.