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Focus Œuvre

Le Kalevala, du récit national à la littérature fantasy

Par Laurent Di Filippo

Composé au milieu du XIXe siècle, le Kalevala est devenu avec le temps l’un des symbole de la culture finlandaise. Moins présent que la mythologie scandinave, il a tout de même influencé plusieurs auteurs contemporains.

Corps
1835
Première parution du Kalevala, avant une seconde parution plus conséquente en 1849

L’œuvre d’un médecin globe-trotter

Le Kalevala est une épopée finnoise composée par le médecin et explorateur finlandais Elias Lönnrot. Publiée en 1835 dans sa première version d’environ 16 000 vers, l’œuvre connaît une seconde publication en 1849, intitulée le Nouveau Kalevala, qui la porte à 23 000 vers, répartis en 50 chants. D’origine suédophone, l’auteur s’est intéressé aux contes et au folklore de Finlande aussi bien lors de ses études que durant ses voyages et pendant les postes qu’il a occupés en milieu rural.

 

Au début des années 1830, Lönnrot obtient un soutien financier de la société de littérature finnoise, dont il est l’un des fondateurs. Il peut alors se consacrer à parcourir son pays et rassembler la matière folklorique transmise oralement. Il effectuera ainsi de longs voyages, particulièrement en Carélie, pour réunir la matière qui servira d’inspiration pour le Kalevala, rapidement considéré comme l’épopée nationale finlandaise.

Un acte fondateur de la culture finnoise

Durant le XIXe siècle, la conception romantique des peuples cherche à montrer leurs particularités à travers leurs langues et traditions. Lönnrot pense alors qu’il recueille les vestiges d'une épopée antique primitive, toujours présente dans la culture populaire rurale de Finlande. La publication du Kalevala marque d’ailleurs un tournant dans l'histoire de la langue et de la culture finnoise et contribue à la construction d'un sentiment national. Toutefois, il est important de garder à l’esprit que Lönnrot refaçonne les chants qu'il récolte de manière à les adapter aux questionnements de son époque.

 

Le Kalevala commence par un récit de création du monde et présente principalement l’histoire du barde magicien Väinämöinen, fils de la déesse Illmatar, capable de charmer toute créature par ses chants. D’autres récits sont consacrés au forgeron Ilmarinen, au guerrier Lemminkäinen ainsi qu’au héros tragique Kullervo. Le dernier chant d’inspiration chrétienne évoque Marjatta, une référence à la vierge Marie, et le départ de Väinämöinen, qui laisse derrière lui les chants et le kantele, instrument dont il est l’inventeur.

Väinämöinen, peinture de Anders Ekman (1852) Finnish National Gallery
Aino, peinture de Albert Edelfet Finnish National Gallery

De Tolkien à Picsou, le grand écart du Kalevala

Le Kalevala n'a jusqu'à présent pas eu une influence aussi importante que la mythologie nordique dans la culture populaire et plus particulièrement la fantasy. Toutefois un certain impact peut lui être attribué, de façon parfois détournée. Aux États-Unis, dès le XIXe siècle, Henry Wadsworth Longfellow, aussi connu pour son intérêt pour la matière scandinave, se serait inspiré de la métrique du Kalevala pour son poème The Song of Hiawatha (1855), en y articulant des thèmes des mythologies amérindiennes.

 

Tolkien, lui, s'inspira du langage finnois, qu'il croisa au latin et au grec, pour créer le quenya, la langue imaginaire des hauts-elfes dans la Terre du Milieu. Des personnages de l’épopée finnoise servirent également d’inspirations aux personnages de Tom Bombadil et de Túrin Turambar. Ce dernier ferait notamment référence à Kullervo, héros tragique du Kalevala, tout comme Elric de Melniboné, personnage central de la série littéraire Le cycle d’Elric (à partir de 1961) de Michael Moorcock. Les écrivains Lyon Sprague de Camp et Fletcher Pratt s’appuyèrent sur le Kalevala pour écrire la nouvelle The Wall of Serpents (1953) dans lequel le héros se rend dans le monde de la mythologie finnoise. Du côté de la bande dessinée, les personnages de Disney explorent l’univers des épopées finnoises dans un récit qui met en scène Piscou et ses neveux : La Quête du Kalevala (1999).

Elric des Dragons, Les Yeux de l'homme de jade, de Michael Moorcock, illustration de François Allot (1975) François Allot