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Focus Œuvre

La Chanson des Nibelungen, ou la métamorphose d’une épopée

Par Laurent Di Filippo

Originaire d’Allemagne, La Chanson des Nibelungen a connu de multiples échos dans la littérature médiévale. Une pluralité qui a permis d'offrir à la fantasy contemporaine quelques œuvres devenues classiques.

Corps
XIIe-XIIIe siècle
Date estimée de la rédaction de La Chanson des Nibelungen

Un grand classique du Moyen Âge

La Chanson des Nibelungen (Nibelungenlied en allemand) est une œuvre poétique allemande rédigée vers la fin du XIIe siècle et le début du XIIIe siècle, dont l'identité de l'auteur n'est pas connue. Elle narre l'histoire du héros Siegfried, de sa mort, et de la vengeance de son épouse Kriemhild qui mène à la chute du peuple germanique des Burgondes. Si l’œuvre est souvent qualifiée d'épopée germanique, son ton est cependant parfois considéré comme dramatique plutôt qu’épique.

 

La Chanson des Nibelungen telle que nous la connaissons serait  la réécriture d’une version précédente, dont aucun exemplaire n’a été retrouvé, qui aurait été composée au XIIe siècle. L’œuvre a dû connaître un certain succès au Moyen Âge, car plus d'une trentaine de manuscrits rédigés entre le XIIIe et le XIVe siècle nous sont parvenus.

 

Comme pour les Sagas, la question de la valeur historique du texte se pose, car si plusieurs personnages ou noms de familles ont réellement existé, ils n'ont pas tous vécu durant la même période. De plus, les éléments fantastiques évoqués dans le texte, même s'ils sont peu nombreux comparés aux versions scandinaves, entremêlent Histoire et surnaturel, posant la question de la part légendaire du texte.

Odin chevauchant Sleipnir, L'Anneau des Nibelungen, de Richard Wagner, illustré par Franz Stassen (1914) Bibliothèque nationale de France

Un récit aux sources multiples

La Chanson des Nibelungen trouve son équivalent dans plusieurs sources islandaises telles que les deux Eddas, qui en livrent respectivement une version en prose et une version poétique, ainsi que certaines Sagas, comme la Saga des Völsungar (XIIIe siècle), dite légendaire, et la  Þiðrekssaga (XIIIe siècle), une Saga des chevaliers. Si les textes se rapprochent dans leur ensemble, quelques différences sont notables. Par exemple, la jeunesse du héros, appelé Sigurd en norrois et Siegfried en allemand, varie du statut de prince (Saga des Völsungar, Edda en Prose, Edda poétique), à l’enfant élevé par une biche (Þiðrekssaga) en passant par des cas hybrides où il est prince et parfois qualifié de guerrier errant (Chanson des Nibelungen).

 

De même, le meurtre du dragon et les pouvoirs que le héros acquiert peuvent être différents. Il peut comprendre les paroles des oiseaux (Saga des Völsungar, Edda en Prose, Edda poétique et plus particulièrement le poème Fafnismal) ou acquérir une peau solide comme de la corne (Þiðrekssaga, Chanson des Nibelungen). Enfin, selon les versions, il meurt dans son lit (Völsunga Saga, Edda en Prose) ou lors d’une partie de chasse en forêt (ÞiðrekssagaChanson des Nibelungen, Edda poétique).

 

Les sources peuvent donc grandement varier et il est difficile de construire avec précision une généalogie des textes. La réception de La Chanson des Nibelungen au cours des siècles s’appuiera sur les rapprochements entre ces différentes œuvres. Les travaux des frère Grimm, ainsi que ceux de Richard Wagner ont fortement contribué à ces croisements.

Siegfried se retourne pour voir les corbeaux et Hagen le transperce entre les épaules, L'Anneau du Niebelungen de Richard Wagner, illustré par Arthur Rackham (1910) Bibliothèque nationale de France
Siegfried enfonce son épée dans la gorge de Fafnir, L'Anneau du Niebelungen de Richard Wagner, illustré par Franz Stassen (XXe siècle) Bibliothèque nationale de France

La Chanson des Nibelungen aujourd’hui


De nos jours, les réécritures de ce récit se retrouvent aussi bien dans la littérature qu’au cinéma, depuis le Siegfried de Mario Caserni (1912) et Les Nibelungen, un film en deux parties de Fritz Lang (1924). Il inspire également les bandes dessinées et les mangas, comme L’Anneau des Nibelungen de Leiji Matsumoto (1992-1999) ou Siegfried de Alex Alice (2007-2011), ainsi que les dessins animés comme la version télévisée du manga Saint Seiya (1986-2008), qui développe un arc autour des guerriers d’Odin et de l’anneau des Nibelungen qui n’était pas présent dans la version papier. Les jeux vidéo proposent eux aussi des hybridations de genre comme dans l’univers de science fiction du jeu Ring : L'Anneau des Nibelungen (Cryo Interactive, 1999).

Siegfried, édition intégrale, de Alex Alice (2016) Alice/Dargaud