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Focus Œuvre

Harry Potter et le fabuleux monde des sorciers

Par Anne Besson

Difficile aujourd’hui d’imaginer J.K. Rowling se faire refuser la publication d’Harry Potter par les maisons d’édition dans les années 1990. Depuis, on ne présente plus la saga, véritable phénomène planétaire.

Corps
2016
L’histoire se prolonge au théâtre et au cinéma.

Un succès monstre

J.K. (Joanne Kathleen) Rowling, née en 1965 en Angleterre, a écrit des romans pour adultes (Une place à prendre, 2012 et, sous le pseudonyme de Robert Galbraith, la série des enquêtes de Cormoran Strike depuis 2013), mais c’est son œuvre pour la jeunesse qui lui a valu un succès planétaire sans précédent. L’heptalogie Harry Potter (1997-2007) s’est vendue à 500 millions d’exemplaires dans le monde, a été adaptée au cinéma en huit films (2001-2011), et s’accompagne d’ouvrages complémentaires, trois volumes de la "Bibliothèque de Poudlard" (Le Quidditch à travers les Âges et Les Animaux fantastiques en 2001 puis Les Contes de Beedle le barde en 2007), et trois livres numériques issus du site Pottermore en 2016.

D’abord liée à un personnage, Harry Potter, l’œuvre s’est progressivement étendue autour de son héros et se trouve d’ailleurs aujourd’hui désignée sous le nom de "Wizarding World" (Le monde des sorciers de J.K. Rowling) : elle a donné lieu à une exposition permanente (le "Studio Harry Potter" à côté de Londres), à des parcs d’attraction et à une pièce de théâtre, Harry Potter et l’Enfant maudit, jouée à Londres depuis juillet 2016. Rowling signe depuis cette même année les scénarios d’une nouvelle série de films, Les Animaux fantastiques, dont le héros est Norbert Dragonneau, et dont les événements se déroulent dans les années 1920, plusieurs décennies avant l’heptalogie.

J. K. Rowling photographiée par Stephan Rumpf SZ Photo / Stephan Rumpf / Bridgeman Images

Une histoire fédératrice

L’histoire de J.K. Rowling – mère divorcée, au chômage quand elle réussit enfin, à 31 ans et après bien des refus, à faire publier Harry Potter à l’école des sorciers, ressemble à un conte de fées. Le début des aventures du jeune sorcier peut également être analysé dans cette perspective : le jeune orphelin, maltraité par une famille caricaturale, découvre sa véritable identité d’élu, et un autre monde où il jouit de privilèges sans commune mesure (richesse, talent, gloire).


Mais d’autres modèles génériques viennent d’emblée complexifier ce premier tableau : Harry Potter emprunte aussi au college novel, genre anglais pour la jeunesse décrivant la vie en pensionnat – c’est le décalage savoureux de "l’école des sorciers" avec cursus adapté, et aussi l’importance des amitiés et inimitiés qui se développent avec un mémorable ensemble de personnages secondaires : Ron, Hermione, Neville, Drago… ; le roman d’enquête est convoqué dans les trois premiers volumes, où il s’agit de résoudre une énigme sans être dupe des fausses pistes. Le coupable à l’arrière-plan est toujours le même : Voldemort, dont le lien mystérieux avec le héros, qu’il a marqué d’une cicatrice en forme d'éclair au front, ne cesse de s’affirmer. Les romans, qui deviennent de plus en plus longs et sombres, prennent un tour plus nettement initiatique. Il s’agit désormais d’une quête (les Horcruxes, les Reliques) et d’une lutte, à la fois individuelle et collective, culminant dans un college de Poudlard très éloigné de ses débuts riants.

Harry Potter à l'école des sorciers, Harry Potter, 1, de J. K. Rowling, illustré par Jim Kay (2015) Éditions Gallimard
Harry Potter et le prisonnier d'Azkaban, Harry Potter, 3, de J. K. Rowling, illustré par Jim Kay (2017) Éditions Gallimard

L’édition jeunesse révolutionnée

Cette évolution, qui accompagne celle du lectorat d’origine, censé grandir en même temps que le héros, ne se paie cependant pas d’un défaut de cohérence, car Rowling a su développer un univers d’une grande richesse dont de nombreux petits détails en apparence anodins trouveront un écho, discret ou décisif, à un stade ultérieur du récit.


Elle a ainsi "formé" des générations de jeunes lecteurs et largement modifié le marché du livre dans le même temps : le succès de Harry Potter a en effet permis d’identifier le potentiel de la littérature de jeunesse (série, livres longs, grands formats cartonnés), et des littératures de l’imaginaire (des sorciers bien différents de ceux de la fantasy épique).


Outre un bataillon de jeunes sorciers proposés par des épigones, Harry Potter a entraîné une forte expansion du domaine jeunesse, imposé un nouveau modèle de développement médiatique et fédéré de manière pionnière des communautés de fans encore très dynamiques, plus de 10 ans après la dernière parution : son influence sur la culture populaire contemporaine ne peut être surestimée.